Suite de l'Affaire Philipe Morris - Université de Zürich

Si l’Université de Zürich refuse d’assumer sa responsabilité dans cette affaire, cela peut constituer un précédent très grave, en institutionnalisant la complicité d’un établissement académique dans la manipulation de la science par une compagnie privée.

Link to the letter of OxyRomandie to the president of the University of Zürich

Link to the OxyRomandie's comments on the external expert's report

Link to the paper by P. Diethelm and T.M. Farley refuting the UZH study


 

 

Genève, 15 décembre 2015 - OxyRomandie a pris connaissance du rapport de l’expert externe mandaté par l’Université de Zürich dans le cadre de l'affaire soulevée par les travaux de recherche qu'elle a effectués pour le compte de Philip Morris. Nous avons envoyé hier  une lettre au recteur de l’UZH pour lui faire part de notre réaction.

Nous saluons les efforts de l’expert pour aborder objectivement les questions que nous avions soulevées dans notre lettre du 29 janvier 2015 et son annexe, dans lesquelles nous dénoncions les erreurs et les problèmes qui entachaient deux articles scientifiques publiés sur le site de l’UZH (voir OxyRomandie demande à l'Université de Zürich de rétracter deux articles scientifiques). Ces articles réalisés par l’université pour le compte de la multinationale du tabac Philip Morris nient l'efficacité de l’introduction du paquet de cigarettes neutre en Australie. Ils s’inscrivent dans la campagne très agressive que l’industrie du tabac mène actuellement contre cette mesure de prévention du tabagisme, dont l’efficacité est maintenant largement reconnue par la communauté scientifique.

Nous constatons avec satisfaction que l’expert est très critique envers les deux études incriminées. Il considère leur conception «faible», indiquant que leurs auteurs auraient dû mentionner les limites de leur approche. Il juge qu’il est «difficile de trouver un argument convaincant» pour justifier l’hypothèse sur laquelle se fonde leur méthode, méthode dans laquelle il perçoit «confusion» et «incohérence». Concernant les résultats de l’étude sur les jeunes, son analyse des données montre que «les effets pointent dans la direction attendue» (une baisse du tabagisme), ce qui est passé sous silence dans l’étude de l’UZH.

Malheureusement, l’expert ne fait qu’effleurer la surface du problème sans répondre de façon satisfaisante aux questions de fond que nous avons soulevées. L’essentiel des critiques d’OxyRomandie n’est pas remis en cause, mais se trouve au contraire renforcé par ce rapport. Les deux articles incriminés souffrent de graves défectuosités d'une part et, d'autre part, de mauvaises méthodes statistiques et scientifiques qui rendent leurs résultats irrémédiablement faux. Résultats qui s’offrent complaisamment à l’interprétation trompeuse qu’en font les multinationales du tabac dans la campagne qu’ils mènent actuellement, sur tous les fronts, contre le paquet neutre.

Un article scientifique réfutant les résultats des travaux de l’UZH sur le paquet neutre a récemment été publié dans la revue Tobacco Prevention and Cessation. Les données utilisées par les deux professeurs ont été ré-analysées par les auteurs de cet article, qui ont obtenu un résultat contredisant celui des deux professeurs de l’UZH : l’introduction du paquet neutre en Australie a été effectivement suivie d’une baisse substantielle et statistiquement significative de la prévalence du tabagisme dans ce pays.

OxyRomandie demande à l'Université de Zurich
de cesser sa politique de l'autruche dans cette affaire

OxyRomandie a la désagréable impression que l’Université de Zürich a tenté d’étouffer cette affaire – en suivant une ligne qui est souvent celle adoptée par le sponsor financier de ces études lorsque ce dernier est confronté à une question le mettant en difficulté : pas de commentaire, pas de communication, mutisme total. En février, lorsque le recteur a annoncé l’évaluation par un expert externe, il s’était pourtant engagé à en communiquer les résultats aux médias qui avaient alors couvert l’affaire. Cela n’a pas été fait. Bien au contraire, l’Université de Zürich a ajouté en catimini un lien vers le rapport de l’expert sur les pages d’archives du site web où se trouvent les études en question, dans la plus grande discrétion et sans rien dire à OxyRomandie. Par contre, il semble que la société allemande d’étude de marketing IPE Institut für Politikevaluation en ait été informée, puisque l’on trouve sur son site Internet un communiqué de presse daté du 4 août qui commente ce rapport et donne un lien pour le télécharger.

OxyRomandie demande à l’Université de Zürich de suivre la recommandation de l’expert en publiant sur son site une note dans laquelle elle explique le caractère erroné des travaux des deux professeurs, accompagnée des documents pertinents, dont nos commentaires (annexés à notre lettre). L'UZH doit également créer un lien vers l’article réfutant les résultats des deux études. Nous demandons que l’addition de cette note soit annoncée sur la page d’accueil du site de l’UZH afin de lui donner la visibilité requise par la gravité de cette affaire.

Nous demandons en outre que l’Université, et les deux professeurs qui ont effectué des travaux pour le compte de Philip Morris, prennent publiquement leur distance avec l’utilisation trompeuse faite de leurs résultats par la multinationale du tabac, notamment dans sa réponse à la consultation du gouvernement britannique sur le paquet neutre.

Si l’Université de Zürich refuse d’assumer sa responsabilité dans cette affaire en continuant la politique de l’autruche qu’elle semble avoir adoptée jusqu’à présent, cela peut constituer un précédent très grave, en institutionnalisant la complicité d’un établissement académique dans la manipulation de la science par une compagnie privée. Dès l’instant où un sponsor financier paierait pour un travail de recherche effectué par l’université, il deviendrait le propriétaire du résultat de ce travail et aurait le droit d’utiliser ce résultat comme bon lui semble, y compris de le présenter de façon erronée et trompeuse. La responsabilité du chercheur académique cesserait dès la livraison de son « produit » au commanditaire. Une telle approche du partenariat public-privé ouvrirait grande la porte à tous les abus et saboterait immanquablement la confiance que le public a le droit d’avoir dans la recherche universitaire.

Nous espérons que l’Université de Zürich saura se ressaisir et agira rapidement de façon à corriger cette situation dommageable pour sa réputation et pour celle de l’institution académique dans son ensemble en Suisse.

Pièces jointes

 


2015.12.14/pad