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« Pour une Suisse romande où il fait bon respirer »


« La toxicité du tabagisme passif est pour nous médecins une certitude. Les preuves sont irréfutables et permettent d’affirmer un lien de cause à effet. Elles ont été apportées à de très nombreuses reprises et de façon convergente. L’unique étude récente mettant ce fait en doute est méthodologiquement inadéquate et ses auteurs ont reconnu avoir reçu des subsides d’un fabricant de cigarettes. Le doute n’est donc pas permis sur ce sujet et la probabilité qu’autant d’études montrent les mêmes résultats du seul fait du hasard est égale à celle de gagner à l’euro-million deux fois de suite. »

«La toxicité du tabagisme passif est pour nous médecins une certitude»

Nous reproduisons ci-dessous le remarquable mémorandum préparé par deux associations genevoises de médecins, le Groupement des pneumologues genevois et le Groupement des oncologues genevois (GROG), pour la commission législative du Grand Conseil genevois. Ce mémorandum a été présenté lors la séance du 10 mars 2006 de la commission, à l'occasion de l'audtion des responsables de l'initiative Fumée passive et santé. Les initiants étaient accompagnés par des représentants du Comité de soutien à l'initiative, dont font partie ces deux associations.

Mesdames et Messieurs les membres de la Commission Juridique,

Nos deux associations regroupent tous les spécialistes FMH de nos disciplines inscrits à l’AMG (Association des Médecins du Canton de Genève). Elles n’ont aucune affiliation politique. Particulièrement concernées par les maladies causées par l’exposition involontaire à la fumée de tabac, elles apportent sans réserve leur soutien à l’initiative 129. Nous n’avons bien sûr reçu aucun financement pour ce soutien. Rappelons que notre organisation faîtière, l’AMG soutient elle aussi l’initiative. Voici un résumé des faits qui justifient notre position. Nous tenons à votre disposition, si vous le souhaitez, toutes les références scientifiques que vous pourriez souhaiter à ce propos.

1. Considérations médicales :

La toxicité du tabagisme passif est pour nous médecins une certitude. Les preuves sont irréfutables et permettent d’affirmer un lien de cause à effet. Elles ont été apportées à de très nombreuses reprises et de façon convergente. L’unique étude récente mettant ce fait en doute est méthodologiquement inadéquate et ses auteurs ont reconnu avoir reçu des subsides d’un fabricant de cigarettes. Le doute n’est donc pas permis sur ce sujet et la probabilité qu’autant d’études montrent les mêmes résultats du seul fait du hasard est égale à celle de gagner à l’euro-million deux fois de suite.

La fumée de cigarettes contient de nombreuses substances toxiques, irritantes et cancérigènes, dont plusieurs sont répertoriées dans l’ordonnance fédérale sur la protection de l’air comme étant de la catégorie la plus nocive et pour lesquelles les toxicologues ne reconnaissent pas de seuil de concentration minimale acceptable sans danger. En d’autres termes, on ne peut admettre qu’il y ait une exposition à ces substances sans risques pour la santé. Ces substances se retrouvent à la fois sous forme de gaz et sous forme de micro-particules (ces dernières aisément mesurables). Elles sont responsables de dégâts aigus et chroniques chez les fumeurs qui les inhalent, mais on retrouve un plus grand nombre encore de substances toxiques dans la fumée libérée par la combustion des cigarettes dans l'air ambiant. Les personnes se trouvant dans une pièce où une cigarette se consume sont soumises aux toxiques contenus dans ce courant secondaire ainsi que dans l'air expiré par le ou les fumeurs, l'ensemble constituant le tabagisme passif. On peut ainsi extrapoler la quantité de cigarettes passivement fumées. Par exemple on estime qu’un serveur de restaurant au cours d’une journée de travail de 8h respire l’équivalent d’au moins 10 cigarettes. La fumée de cigarette est de ce fait reconnue par l’OMS comme un cancérigène indubitable, qu’elle soit inhalée activement ou passivement. En outre, il existe un phénomène dose-effet : plus l’exposition passive est importante (temps cumulé d’exposition à la fumée) plus le risque de maladie augmente.

Les principales maladies dont la fréquence est augmentée de façon indubitable avec l’exposition involontaire à la fumée de cigarettes sont les mêmes que celles qui frappent les fumeurs actifs. Elles peuvent être classées comme suit :

  1. Maladies pulmonaires de l’enfant : Les cas de mort subites du nourrisson sont plus fréquents dans les familles où la mère a fumé pendant la grossesse, mais aussi dans les familles où l'un des parents fume; les infections banales des voies respiratoires (rhume, angine, otites, bronchiolites) sont toutes plus fréquentes chez les enfants qui ont au moins un parent fumeur. La tendance à développer un rhume des foins et un asthme est nettement plus marquée dans des familles avec parents fumeurs.

  2. Maladies pulmonaires de l’adulte : Les épouses de fumeurs, les employés travaillant avec des collègues fumeurs en milieu fermé présentent plus souvent des bronchites et des pharyngites que celles et ceux qui ne sont pas exposés à la fumée.

  3. Cancers : Le tabac est la cause principale du cancer du poumon (cancer bronchique). Ce type de cancer est le plus fréquent chez l’homme et il est en passe de le devenir chez la femme. Malgré d’intenses recherches, l’espérance de vie des patients souffrant de cancer du poumon a peu changé au cours des vingt dernières années et la mortalité de cette affection atteint les 85%. A Genève, près de 300 personnes développent une tumeur pulmonaire chaque année. L’augmentation du risque pour cette maladie chez les non-fumeurs exposés est de 25%. Les autres tumeurs dont l’incidence augmente sont les tumeurs des voies respiratoires (en particulier les sinus). Le risque de tumeurs de l’enfant dont les parents fument est également augmenté (leucémies, cancer du cerveau).

  4. Maladies cardiaques : Les risques d’infarctus sont augmentés de 25% chez les non-fumeurs exposés au tabagisme passif. Ce dernier point est important puisqu’il s’agit d’un risque qui peut survenir après une exposition de courte durée à de faibles quantités de fumée et qui déploie ses effets brutalement. L’agent en cause est certainement le monoxyde de carbone (CO). En outre il s’agit d’un problème extrêmement fréquent.

Une estimation prudente du nombre de morts attribuables au tabagisme passif pour le canton est d’environ 50 à 100 personnes par année, soit plus que de morts par accident de la voie publique. Ces chiffres doivent être gardés à l’esprit quand on évalue la proportionnalité au sens juridique de l’initiative.

L’évaluation médicale des mesures interdisant le tabac dans l’espace public là où elles ont été introduites montre des effets bénéfiques immédiatement mesurables, en particulier sur le personnel des cafés-restaurants (problèmes respiratoires) et sur la fréquence des événements cardiaques aigus. Ce point est intéressant du point de vue de la règle d’aptitude et de l’évaluation prospective des effets de la loi. Il faut souligner que ces mesures ont été bien acceptées par une majorité des citoyens, fumeurs comme non-fumeurs.

Pour mémoire, et pour ce qui est de la règle de la nécessité, tous les spécialistes de la question reconnaissent l’inefficacité des systèmes de ventilation disponibles actuellement. Les fumoirs ne résoudraient pas le problème de l’exposition du personnel de la restauration aux substances délétères.

2. Considérations éthiques

Nous restons attachés à une définition simple de la liberté : La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui. L’initiative vise à protéger l’espace public et non à interdire la fumée purement et simplement. La baisse de la consommation de tabac, même si elle est médicalement souhaitable, n’est pas l’objectif de l’initiative. Elle vise uniquement à protéger les non-fumeurs de risques encore largement sous-estimés dans l’espace public. Au nom de l’éthique médicale nous restons attachés à l’autonomie des individus, même s’agissant de substances entraînant la dépendance comme la nicotine.

Il en va de même pour ce qui est des individus privés de liberté (prisonniers, patients des homes médicalisés, patients hospitalisés de longue durée). Il n’est pas question de les empêcher de fumer mais uniquement de protéger leur entourage. Il n’y a pas de raison justifiant l’intoxication involontaire du personnel médical ou pénitentiaire, ni celle de patients ou de prisonniers non-fumeurs.

Rappelons que la consommation d’alcool, une liberté personnelle protégée au même titre que la consommation de tabac, est à notre connaissance interdite en prison. De même, chez les patients en fin de vie, les suppléments oxygène souvent administrés rendent les risques d’explosion très élevés, ce qui justifie l’interdiction de la cigarette. Il en va de même pour les risques d’incendie qui peuvent justifier l’interdiction de la cigarette dans les homes médicalisés. Chez ces personnes, les symptômes de manque de nicotine peuvent être aisément palliés par des substituts nicotiniques entre les sorties à l’air libre. Il nous semble donc que ces aspects pratiques pourraient être aisément aménagés dans le cadre de la loi d’application et ne nécessitent pas un contre-projet.

Ces considérations scientifiques et philosophiques ne devraient pas faire perdre de vue que ce sont des vies humaines qui sont en jeu : vies perdues, vies ruinées par la maladie. Une mesure gratuite, égalitaire et largement acceptable telle que prévue par l’initiative 129 permettrait en bonne part de limiter ces souffrances inutiles, sans parler des coûts médicaux qui pourraient être ainsi évités. En conclusion, nous nous devons à nos patients et à nos concitoyens de leur proposer de se prononcer sans délai sur l’Initiative 129. Nous vous demandons en conséquence de ne pas lui opposer de contre-projet. Une telle manoeuvre dilatoire aurait son prix en vies et en souffrances humaines.
 

Dr Michel Starobinski
Pour le GROG
Dr Jean-Luc Magnenat
Pour le groupement des pneumologues

(Dossier 06-006 - 2006-08-29)



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